Unpublished

Mains courantes débillardées et problématique de l’équerre à la normale

Comparaison des méthodes de fabrication et compléments techniques

 

Introduction

La fabrication d’une main courante débillardée engage bien davantage que la mise en forme d’un bois massif. Elle implique une compréhension fine de la  géométrie du support, de la continuité de la ligne, du confort de prise en main et de la perception visuelle de l’ouvrage fini.

Parmi les questions centrales figure celle de la  section d’équerre à la normale. Elle conditionne la régularité des profils, l’équilibre des moulures et, in fine, la qualité d’usage et d’aspect de la main courante. Différentes méthodes permettent d’y répondre aujourd’hui, chacune reposant sur une logique propre, depuis le façonnage empirique jusqu’à la modélisation la plus précise.


1. Façonnage en place dans la masse

La première méthode consiste à façonner la main courante  directement dans la masse, à partir de pièces de bois débillardées sélectionnées pour leur  masse capable. Chaque élément est rainuré afin de s’adapter au support, généralement un fer plat fixé sur des barreaux métalliques.

Les pièces sont mises en place, ajustées et raccordées les unes aux autres pour constituer une  rampe brute, volontairement non définie dans sa forme finale. Le façonnage est réalisé après assemblage, directement en situation, à l’aide d’outils manuels — plane, tarabiscot, vastringue — complétés si nécessaire par des outils électroportatifs.

Cette approche repose sur l’expérience, la lecture du fil du bois et la capacité à corriger la forme en fonction de la ligne réelle de l’ouvrage. Elle permet une grande liberté de geste et d’adaptation.

Limites techniquesCette méthode ne garantit pas, par construction, une section rigoureusement d’équerre à la normale du support. La justesse obtenue reste essentiellement perceptive et dépend fortement du savoir-faire du praticien.


2. Relevé géométrique et art du trait

La deuxième méthode introduit une approche géométrique par le  relevé précis du support. Celui-ci est réalisé à l’aide de planchettes horizontales fixées sur les barreaux, depuis lesquelles chaque point du fer plat est redescendu au fil à plomb, avec indication de son altitude.

Les relevés sont ensuite repris en  géométrie descriptive, selon les principes de l’art du trait, afin d’obtenir une vue en plan et une vue de face de la future main courante. Ces tracés permettent de définir le volume capable du bois et de procéder à un débit précis par sciage successif.

Cette méthode autorise la construction de sections  rigoureusement d’équerre à la normale, à condition de maîtriser le développement des surfaces, le dévers progressif et la transposition fidèle du tracé dans la matière.

Apport techniqueL’art du trait constitue une réponse théoriquement complète et rigoureuse à la problématique de l’équerre à la normale. Il suppose toutefois un haut niveau de maîtrise et un temps de préparation conséquent.


3. Moulage du support et copie mécanique

La troisième méthode repose sur le  moulage direct de la forme du support. Celui-ci est réalisé par agglomération de petites pièces de bois liées à l’aide d’une résine armée (polyester), afin de produire des  gabarits tridimensionnelscorrespondant exactement à la géométrie réelle du fer plat.

Ces gabarits sont réalisés par tronçons d’environ 800 mm, puis façonnés, améliorés et enduits pour devenir de véritables  modèles de pièces, tant sur le plan géométrique qu’esthétique. Ils permettent d’intervenir librement sur les formes avant toute reproduction définitive.

Les modèles sont ensuite copiés mécaniquement dans des blocs de bois massif, à l’aide de machines de sculpture ou de machines à copier de type pantographe. On obtient ainsi des ébauches de pièces de main courante fidèles aux modèles réalisés.

Ces ébauches sont enfin usinées selon le même principe que dans la deuxième méthode : réalisation des rainures, mise en forme des profils et moulures, puis reprises finales.

Réponse à l’équerre à la normaleCette méthode répond pleinement à la problématique de l’équerre à la normale, non par abstraction géométrique, mais par  transposition directe de la géométrie réelle du support. Là où l’art du trait reconstruit la normale par le dessin, le moulage la capture physiquement.


Comparaison des méthodes

Les trois méthodes correspondent à des niveaux distincts de contrôle géométrique :

  • le façonnage en place privilégie l’adaptation sensible et la liberté de geste ;

  • le relevé et l’art du trait apportent une réponse géométrique rigoureuse ;

  • le moulage permet une fidélité maximale à la réalité construite, tout en offrant une grande liberté de correction avant reproduction.

La technique du moulage peut être considérée comme une  transposition matérielle de l’art du trait, substituant à la reconstruction géométrique une prise d’empreinte directe de la forme.


Conclusion

La question de l’équerre à la normale n’est pas théorique : elle conditionne la qualité d’usage, la régularité visuelle et la durabilité d’une main courante débillardée. Chaque méthode apporte une réponse adaptée à un contexte donné, en fonction de la complexité du support et du niveau d’exigence recherché.

La méthode par moulage se distingue par sa  précision, sa  fidélité à la géométrie réelle et sa capacité à dissocier conception, modélisation et fabrication. Elle constitue aujourd’hui l’approche la plus aboutie lorsque la rigueur géométrique et la qualité de ligne ne peuvent souffrir aucune approximation.